par Alfredo Jalife-Rahme
La version de travail de la Stratégie de sécurité nationale du président Trump prévoyait de couler l'Union européenne en s'appuyant sur l'Autriche, la Hongrie, l'Italie et la Pologne. Elle prévoyait aussi de substituer un C5 au G7. Ces deux objectifs sont restés secrets. Si le premier ne surprend pas, le second est un abandon clair de l'Allemagne, du Canada, de la France, de l'Italie, du Royaume-Uni et de l'Union européenne. Donald Trump ne conçoit qu'un ordre du monde au tour des quatre grandes puissances, aux quelles il a daigné ajouter le Japon, pour contenir la Chine.
Dans le cadre de la Stratégie de sécurité nationale [1], il est question d'un addendum « classifié » divulgué à Defense One [2], qui promeut le nouvel ordre mondial de Trump surnommé Core-5 (C-5) pour remplacer le G-7 par les États-Unis/Russie/Chine/Inde/Japon (mégasic !) [3].
Face à la montée irrésistible des BRICS, la chute du G7, promu en 1975 par le président français Giscard d'Estaing et le chancelier allemand Helmut Schmidt pour atténuer la grave crise énergétique des sept puissances industrielles occidentales, n'apporte rien de bien nouveau.
En réalité, la Stratégie de sécurité nationale de Trump assimile le nouvel ordre tripolaire États-Unis/Russie/Chine et envisage même un ordre tétrapolaire avec l'Inde.
Ce qui provoque la dissonance, c'est l'intégration du Japon, sous la Première ministre Takaichi, qui, dès son premier mois au gouvernement, a attisé les passions hostiles de la Chine (en raison du délicat différend concernant Taïwan) et de la Russie.
À mon avis, la Stratégie de sécurité nationale a simplement coché, selon un critère économique réductionniste, les cinq premières places du classement du PIB du CIA World Factbook (mesuré par la parité de pouvoir d'achat) [4], ou peut-être ce choix constitue-t-il une manœuvre de Trump pour éviter de se retrouver isolé des trois autres superpuissances du RIC (Russie/Inde/Chine).
Nul autre que le philosophe et géostratège Alexandre Douguine, très proche de l'armée russe, commente que l'idée du C-5, en remplacement du G-7 obsolète, incarne la version « MAGA (Make America Great Again) » de Trump dans un monde multipolaire polycentrique : « l'ordre des grandes puissances [5] ».
Nul n'ignore que Douguine est un fervent partisan de Trump depuis la publication de son livre controversé « La révolution Donald Trump » [6], dont le sous-titre prémonitoire est « L'ordre des grandes puissances », où « la construction d'un système international dans lequel seuls les États civilisés (sic !) avec leur propre idéologie, leurs économies et leurs géopolitiques, qui ont prouvé leur valeur (sic), auront une véritable souveraineté (sic) ».
Douguine affirme, d'une manière résolument ironique, que « les États-Unis ont leur place réservée au sein des BRICS s'ils abandonnent la mondialisation », alors que « le G-7 et le G-20 étaient tous deux des clubs (sic) dominés par l'agenda mondialiste ».
Il estime que « les États-Unis sont contraints de reconnaître la multipolarité, même s'ils en proposent leur propre version (le C-5) » et affirme que Trump applique la « géopolitique MAGA », qui reconnaît la multipolarité polycentrique à sa manière.
La différence entre le « grand ordre mondial » et le projet des BRICS réside dans la reconnaissance de la souveraineté des seuls États civilisationnels existants, tels que les États-Unis, la Russie, la Chine et l'Inde. Le Japon y est également intégré afin de contrebalancer la Chine. Toutefois, ayant acquis son indépendance des États-Unis, le Japon pourrait devenir une puissance souveraine. Ce projet constitue la version états-unienne du multipolarisme, une idée explicitement exprimée dans la doctrine de Sécurité nationale états-unienne la plus récente.
Douguine remarque que « l'absence de l'Europe, du Royaume-Uni, du Canada et de l'Australie est cruciale ici. C'est-à-dire de ces régimes qui, dans leur agonie, continuent de s'accrocher désespérément au projet mondialiste. »
Le plus important, c'est que dans le C-5, « il n'y a ni Union européenne, ni mondialistes, ni Soros, ni Schwab, ni Forum de Davos, ni Macron (...), puisqu'ils ont été jetés à la poubelle avec Zelensky et le nazisme ukrainien. »
Douguine affirme que « le C-5 est une proposition très sérieuse. Bien sûr, on peut la critiquer ; on peut dire que les BRICS sont une meilleure option. C'est ce que je pense aussi : les BRICS sont meilleurs pour tout le monde, sauf que les États-Unis n'en font pas partie. Et tant que les États-Unis et l'Occident n'en feront pas partie, personne au sein des BRICS n'osera vraiment contester l'hégémonie mondiale. » Waouh !
En effet, la Russie et la Chine aspirent à maintenir des relations optimales avec Trump (même en cas de déclin des États-Unis), contrairement aux mondialistes russophobes et sinophobes belliqueux, qui sont allés jusqu'à rechercher une conflagration nucléaire avec Moscou et Pékin.
Il semblerait donc que, avec ou sans le Japon, Trump abandonne le G7 mondialiste pour rejoindre les souverainistes des BRICS.
Traduction
Maria Poumier
Source
La Jornada (Mexique)
Le plus important quotidien en langue espagnole au monde.
[1] « Estrategia de Seguridad Nacional (ESN) de Trump : ¿Rusia Salva(rá) a EU ? », Alfredo Jalife, YouTube, 12 de diciembre de 2025. « Le Pentagone adopte la vision Trump du monde », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 10 décembre 2025.
[2] « 'Make Europe Great Again' and more from a longer version of the National Security Strategy », Meghann Myers, Defense One, December 9, 2025.
[3] « C-5 de Trump para Sustituir al G-7 : EU/Rusia/China/India/Japón », Alfredo Jalife, YouTube, December 16, 2025.
[4] « Real GDP (purchasing power parity) », CIA World Factbook.
[5] « Dugin's Directive : "The Order of the Great Powers" - Trump creates a MAGA version of a multipolar world », Tsargrad, Pravda USA, December 12, 2025.
[6] The Trump Revolution : A New Order of Great Powers, Alexander Duguin, Arktos (2025).